Soudan du Sud : MSF remet en question l’engagement humanitaire de l’ONU

Mercredi 9 Avril 2014 - 19:27

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Des vies sont en jeu si des mesures ne sont prises immédiatement, avertit Médecins sans frontières (MSF) qui, dans un communiqué rendu public le 9 avril, déplore le « signe d’une indifférence consternante » qu’ont donné les hauts fonctionnaires de la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss) en refusant d’améliorer les conditions de vie de 21 000 personnes déplacées établies sur un site inondable

« Malgré les demandes répétées des organisations humanitaires, la Minuss n’a pris aucune mesure dans le camp en vue d’améliorer leurs chances de survie », accuse MSF qui met en cause l’engagement de l’ONU à répondre aux besoins des groupes les plus vulnérables dans un pays déchiré par la guerre et qui exige que des mesures immédiates soient prises pour sauver des vies dans le camp de Tomping.

Situé dans la capitale de Juba, le camp de Tomping, administré par les forces de maintien de la paix des Nations unies, accueille les personnes qui ont pris la fuite lorsque le conflit a éclaté en décembre. Ces déplacés s’entassent sur les basses terres du site dont personne n’ignore la nature inondable.

Maladies diarrhéiques, infections respiratoires et maladies de peau représentent déjà plus de 60% des cas à la clinique de MSF installée dans le camp. Après des retards dans sa mise en œuvre, une initiative de l’ONU visant à mettre sur pied un autre site s’est enlisée et est maintenant devenue illusoire. Les demandes répétées de MSF et d’autres organisations pour élargir le camp de Tomping en utilisant les terrains non inondables disponibles sur le site, au moins de façon temporaire pour favoriser la survie des résidents, ont été refusées sans aucune explication.

Devant ce refus, la coordonnatrice d’urgence de MSF, Carolina Lopez, a déclaré : « Le refus de la Minuss d’améliorer les conditions à Tomping est honteux. Lorsque les premières pluies de la saison sont tombées, 150 latrines se sont effondrées et les eaux usées se sont mélangées aux eaux de l’inondation. Des gens vivent dans des canaux de drainage naturels, car il ne reste aucun autre espace disponible, et 65 personnes doivent se partager une latrine. Les pluies, qui dureront une bonne partie des six prochains mois, sont de plus en plus torrentielles. Si rien n’est fait dès maintenant, les conséquences, déjà terribles, pourraient devenir fatales. Qu’il s’agisse d’une solution permanente ou provisoire, une expansion dans les zones sèches du camp doit se faire sans plus attendre. »

Quelques jours auparavant, la responsable de la Minuss, Hilde Johnson, avait déclaré que le camp de Tomping « risquait de se transformer à tout moment en un piège mortel » et avait annoncé sa fermeture en mai. Toutefois, seuls 1 118 résidents ont été déplacés au cours des cinq dernières semaines. Bien que cette initiative ait pu être une solution viable il y a un mois, déplacer à ce stade quelque 20 000 personnes vers un site loin d’être prêt à les recevoir, sans parler du début des pluies, est tout à fait irréaliste. En attendant, il est difficile de comprendre pourquoi l’espace disponible à Tomping ne peut être utilisé pour sauver des vies.

« Ils disent qu’il n’y a pas assez de place à Tomping, mais cet argument ne tient pas la route quand on voit, de l’autre côté des barbelés, des espaces de stationnement et de stockage bien au sec », affirme Carolina Lopez.

Outre Tomping, à Minkamman, qui ressemble davantage à un camp ouvert qu’à un site relevant de l’ONU, quelque 82 000 personnes, qui ont fui les combats à Bor, vivent aussi dans des conditions déplorables. Là aussi, l’équipe de MSF s’inquiète de la propagation éventuelle des maladies d’origine hydrique. « Alors que la saison des pluies s’apprête à battre son plein, il devient chaque jour de plus en plus urgent de prendre les mesures qui s’imposent. Les retards causés par l’inflexibilité du système onusien font que si des plans ont été élaborés, pratiquement aucune infrastructure n’a été mise en place », souligne le communiqué.

« Le 18 mars, la Mission de l’ONU au Soudan du Sud a déclaré au Conseil de sécurité que la “protection des civils” était une priorité, explique Jérôme Oberreit, secrétaire général de MSF. Nous exhortons les dirigeants de l’ONU à se rappeler que la protection ne signifie pas seulement de parquer des gens dans un camp gardé. Garantir des conditions de vie adéquates est aussi primordial et doit faire l’objet d’une action urgente et pragmatique. Les gens doivent pouvoir être protégés autant de la maladie que de la violence. »

Nestor N'Gampoula