Sur le nouveau monde …

Le nouveau monde dont il est ici question surgit des multiples changements qui se produisent sous nos yeux depuis trois décennies. Si l’on n’en connait pas encore totalement les données réelles étant donné la complexité des équations stratégiques qui accompagnent son émergence, l’on peut dès à présent réfléchir aux effets qu’il aura à plus ou moins long terme sur la communauté humaine dans son ensemble. D’où cette réflexion qui est le fruit des simples observations de l’actualité quotidienne.

Contrairement aux apparences le point fondamental du changement qui s’opère sous nos yeux n’est pas le rééquilibrage des grandes puissances que provoquent sur la scène mondiale l’affirmation de la puissance de la Chine et de l’Inde, la renaissance de la Russie et l’affaiblissement sans doute provisoire du camp occidental. Il résulte de l’accélération du phénomène dit de « l’émergence » qui place au cœur des mouvements en cours et à venir ce que l’on appelait le « tiers-monde » dans la deuxième moitié du siècle précédent.

Du fait de leur poids démographique, de leur richesse potentielle et de l’importance des ressources naturelles qu’ils détiennent, les pays de l’hémisphère sud, situés pour l’essentiel en Amérique latine et en Afrique, s’imposent lentement mais sûrement comme les véritables moteurs de l’économie mondiale. Certes, la plupart d’entre eux sont encore pauvres, surendettés, toujours surexploités par les puissants groupes industriels de l’hémisphère nord, mais leurs dirigeants n’ont pas d’autres politiques à suivre, si du moins ils veulent rester au pouvoir durablement, que d’accélérer les mécanismes qui permettront à leurs peuples de vivre mieux.

Le principal ressort du processus qui se met en place dans cette partie du monde est l’ouverture planétaire qu’ont générée tout au long des deux dernières décennies les avancées technologiques, tout spécialement dans le domaine de la communication. Il suffit, pour le comprendre et s’en convaincre, de regarder comment les nouvelles générations africaines et latino-américaines vivent désormais immergées dans l’univers informatique, communiquent instantanément entre elles, abolissent l’espace et le temps grâce aux téléphones portables et aux ordinateurs, nourrissent les réseaux sociaux, bref sont connectées instantanément et de façon permanente les unes aux autres.

Le deuxième ressort du processus d’émergence du nouveau monde dont il est ici question est certes plus discret, moins visible, mais il est tout aussi important : il s’agit de la prise de conscience par les Etats et les gouvernants d’une même zone géographique de la nécessité de renforcer leurs liens, d’abaisser les barrières artificielles  qui les séparent, de construire des communautés cohérentes et donc puissantes. Un mouvement qui s’accélère tout particulièrement en Afrique centrale, dont les effets positifs se font d’ores et déjà sentir dans tous les domaines et qui provoquera lui-même tôt ou tard une adaptation de la gouvernance mondiale aux nouvelles réalités de ce temps.

Le nouveau monde qui s’organise sous nos yeux sera dans les années et les décennies à venir le véritable moteur de la communauté mondiale. Mieux vaudrait pour les Etats-Unis et l’Union européenne le comprendre dès maintenant et en anticiper les conséquences comme le font tout spécialement la Chine et la Russie. L’enjeu est à tous égards gigantesque !