Vatican : le synode sur la famille s’est clôturé sur des questions ouvertes

Mercredi 22 Octobre 2014 - 12:00

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En deux semaines d’âpres débats au Vatican, les évêques catholiques repartent chez eux, décidés de revenir sur les questions qui n’ont pas eu de consensus.

Ouverts le 5 octobre dernier, les travaux du synode extraordinaire des évêques catholiques sur le délicat thème de la famille, se sont achevés dimanche 19 au Vatican par une messe qui a été aussi celle de la béatification (étape vers la proclamation de la sainteté) du pape Paul VI. Mais deux semaines de débats intenses, parfois heurtés, ont laissé la sensation – aux médias occidentaux - d’une fracture entre au moins deux camps opposés à l’intérieur de l’Église catholique sur le thème de la famille, ce qu’elle est, ce qu’elle devrait être, ce qu’elle ne doit pas devenir.

La presse occidentale qui parle même de « reculade » de la part du pape François, annonciateur d’un vent nouveau dans la pratique pastorale, a tracé l’identikit d’évêques conservateurs face à d’autres progressistes. D’un côté, ceux qui s’en tiennent à la norme telle qu’incisée dans une doctrine catholique consolidée par plus de deux mille ans de pratique. Et de l’autre, les évêques appelant à dépoussiérer les sacristies et en faire tomber ce qui retient une majorité de plus en plus grande de se sentir à l’aise et accueillis avec leurs faiblesses humaines dans une Église dont ils continuent de vouloir toujours faire partie .

Les théologiens ont parlé d’une confrontation au synode entre les partisans de la théologie dogmatique et les tenants de la théologie pastorale, essayant de parler au monde d’aujourd’hui avec les mots d’aujourd’hui et la réalité d’aujourd’hui. C’est pourquoi journalistes et commentateurs ont regretté une sorte de tiédeur dans le document final publié à l’issue des travaux au Vatican. Ou, à tout le moins, une sorte de déphasage persistant entre l’enthousiasme suscité par l’attitude du pape François qui avait recommandé des débats libres et la frilosité que dégage le document final, la « relatio sindodi ».

« Défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation »

À travers ce thème, il s’agissait pour les hauts-prélats réunis aucours de ce synode, de réfléchir à la situation de la famille aujourd’hui, ses souffrances et sa complexe réalité. Le tout devant déboucher sur des instructions pastorales dans une Église qui prendrait en compte et saurait parler à la réalité familiale d’aujourd’hui. Alors que l’Église continue de mouliner le langage d’une cellule « Église domestique » formée, et seulement, d’un homme et d’une femme mariés religieusement en vue d’avoir des enfants, la famille se présente sous la forme d’une majorité de cas de « remariages » qui se font sans même la dissolution première du mariage religieux, et souvent aussi fondée sur le seul lien civil (devant le maire) quand cela est jugé nécessaire par les conjoints.

Interdiction de rapports avant mariage ; interdiction de revenir sur la parole donnée en contractant le mariage ; interdiction des « mariages à l’essai » ; condamnation de l’avortement (« les enfants sont le don de Dieu », etc.) : l’Église se montre ferme sur les principes. Et elle affirme que le dogme lui-même, issu de la Bible qui renferme la Parole sacrée, lui en fait obligation. Dans les propos de Jésus, disent les évêques,  nulle part il est encouragé une sorte « d’engagement light » lorsqu’il s’agit de l’union entre un homme et une femme.

Trois propositions ont fait blocage

Les différentes propositions surgies au synode ont fait l’objet d’un vote. Elles sont 72 au total. Mais trois d’entre elles n’ont pu faire l’objet d’un consensus parce que n’ayant pas atteint le quorum des deux tiers requis. Il s’est agi du chapitre concernant l’accès aux sacrements pour les divorcés remariés ; celui sur les homosexuels et leur place dans l’Église et, surtout, celui sur la définition même du mariage et son indissolubilité. Des intervenants ont fait valoir que si un assassin pouvait revenir en Église et prendre sa communion après confession, il était injuste que des chrétiens ayant divorcé soient interdits à vie de s’approcher des autels.

Les « conservateurs » ont rétorqué que si le péché était de tous les sacrements, lui, n’était une grâce que pour les seuls appelés. Tuer est un péché, divorcer c’est rompre un sacrement, ont-ils soutenu. Quant à l’homosexualité, l’unanimité s’est faite pour ne pas la considérer comme « une valeur » mais « un état » qui ne devrait pas justifier les attitudes de rejet et d’ostracisme. Ni, ont souligné quelques prélats, de revendication militante. Faut-il dès lors cesser de la considérer un « état de péché », un « désordre » comme l’affirme le catéchisme de l’Église ? Aucun accord ne s’est trouvé parmi les prélats sur cette question.

Et cela d’autant que les prélats africains ont eux aussi donné de la voix, s’insurgeant qu’un thème comme celui-là, bien circonscrit à l’aire occidentale et ne faisant pas partie des préoccupations pastorales dans leurs diocèses respectifs, « accapare » autant l’attention. La presse a fait peu cas de leurs prises de position. Pourtant celles-ci ne manquaient pas d’intérêt. Certaines suggèrent que la notion de la famille ne soit pas trop « européocentriste » ; qu’elle prenne aussi en compte effectivement les grands-parents comme le recommande le pape François.

Certains évêques ne se gênaient pas non plus pour souligner qu’à aligner les interdits, l’Église risquait de passer à côté d’expériences appelant des réponses plus réfléchies. C’est le cas, ont souligné les Africains, de la polygamie faussement présentée comme étant exclusive à l’Afrique alors que la réalité des « concubinages » et des « amant-tes » est transversale à toutes les sociétés. Le temps est peut-être venu de faire entrer la parole de l’Église à l’intérieur de telles réalités qui, en Afrique, ont vu naître des enfants devenus ensuite des prêtres, des évêques ou des archevêques.

Au final, le pape a clôturé le synode en recommandant de la souplesse, un esprit d’ouverture dans le discernement. « Dieu n’a pas peur du changement. Laissons-nous gagner aux surprises de Dieu », a-t-il recommandé. Reprenant les propos de son prédécesseur Paul VI qu’il a béatifié en même temps qu’il clôturait le synode, le pape François a rappelé : « En observant attentivement les signes des temps, nous nous efforçons d’adapter les orientations et les méthodes aux besoins croissants de notre époque et à l’évolution de la société ». Des paroles qui annoncent un nécessaire esprit au deuxième synode sur la famille qui se tiendra en octobre prochain au Vatican en complément à celui de la semaine dernière.

Lucien Mpama