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Vers la fin de la dissuasion nucléaireSamedi 20 Février 2016 - 12:00 Même si rien ne parait changer dans le monde très fermé du "club nucléaire", ce petit, très petit, groupe de nations qui se dota de l'arme atomique au lendemain de la deuxième guerre mondiale et se tailla du même coup une place à part dans la gouvernance mondiale, tout change en réalité très vite, si vite que l'on peut aujourd'hui s'attendre à ce que cette page peu glorieuse de l'Histoire humaine se tourne dans les dix années à venir. Trois raisons se trouvent à la base de ce pronostic. La première tient au fait que la guerre, c'est-à-dire l'usage de la force entre les nations pour faire valoir leurs intérêts a changé radicalement de forme. Nous en avons la preuve tous les jours avec les crises qui se déroulent en divers points du globe et auxquelles prennent part l'une ou l'autre des puissances dotées de l'arme nucléaire: le terrorisme sous ses différentes formes prend lentement mais sûrement le pas sur les autres formes de violence; il génère une guerre asymétrique qui n'a rien de nouveau dans son principe puisque c'est elle qui permit à des pays comme le Vietnam ou l'Algérie de se libérer de la tutelle coloniale, mais qui prend une dimension imprévue en raison des moyens techniques de communication et d'action qu'utilisent désormais les mouvements extrémistes. Croire que le fait de brandir des armes de destruction massive pourrait changer la donne sur ce terrain relève de l'illusion. La deuxième raison résulte de ce que l'entretien et la modernisation des arsenaux constitués dans les années quarante, cinquante, soixante du siècle précédent s'avère de jour en jour plus ruineux pour les Etats qui se sont dotés de ce type d'armes. Rendues inutiles par l'évolution de l'équation stratégique mondiale - qui peut imaginer aujourd'hui que les Etats-Unis, la Russie ou la Chine y recourent un jour dans le but de se protéger ? - les armes nucléaires et les moyens qui permettent de les brandir pour dissuader un adversaire creusent un gouffre financier qui affaiblit ceux qui les détiennent. Et cela confère aux pays qui n'en disposent pas des avantages majeurs dans l'affirmation de leurs intérêts au plan international. Pour ne citer que cet exemple c'est ce qui a permis à l'Allemagne de prendre ces dernières années le pas, au sein de l'Union européenne, sur la France et la Grande Bretagne. La troisième raison, sans doute la plus décisive même si personne n'ose encore l'évoquer dans les enceintes internationales, est que les déchets nucléaires génèrent un risque de pollution à moyen ou long terme qui deviendra avant la fin de ce siècle l'un des problèmes les plus graves auxquels l'humanité doit faire face. Et l'on découvrira - au niveau des gouvernants et non à celui des experts qui savent parfaitement ce dont il est ici question - que l'homme s'est une nouvelle fois comporté comme un apprenti-sorcier, incapable de prévoir les conséquences de ses actes et enclin par nature à l'autodestruction. À l'heure où la protection de l'environnement devient un objectif majeur pour sa survie, cette prise de conscience suscitera sur les cinq continents une vague déferlante contre les armes de destruction massive à laquelle les gouvernements ne pourront s’opposer. Si les grandes puissances étaient aussi sages et raisonnables qu'elles le prétendent, elles ouvriraient dès à présent ce grand débat afin d'étudier ensemble comment détruire des arsenaux nucléaires qui ne leur servent plus à rien et qui menacent la survie de notre espèce. Mais, hélas, rien ne permet aujourd'hui de croire qu'elles le sont, ou qu'elles pourraient l'être à brève échéance.
Jean-Paul Pigasse Edition:Édition Quotidienne (DB) Notification:Non |