Photographie : Ralff Lhyliann ou le rapport à l’identité et à la valorisation des traditions

Jeudi 23 Juin 2022 - 19:52

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« La danse de la sagesse » est le thème qui mettait Ralff Lhyliann face au public, lors de la deuxième édition des Rencontres internationales de la photographie d’auteur de Brazzaville, « Kokutan’Art », organisée récemment. A travers ces clichés, il plaide pour un retour aux sources, une valorisation de la culture et du patrimoine ancestral.

Ne vous fiez pas à son nom Therance Ralff Lhyliann, l’artiste dit Cid Lyther est bel et bien congolais. Né à Brazzaville en 1990, il est électromécanicien de formation et c’est en autodidacte et passionné d’art qu’il s’est retrouvé dans l’univers de la photographie. Dans un premier temps, il met en place un home studio où il produit de la musique pour des amis dans sa chambre d’étudiant à Sidi Bel Abbés, en Algérie. Peu de temps après, il crée en parallèle sa boîte de prestation de service audio-visuel dénommée « Limaya studio ».

A la suite d’une formation en 2018, Ralff va à la recherche de sa propre écriture et esthétique photographique à Enyellé, en pleine forêt équatoriale, pour le projet de sensibilisation aux droits des autochtones Aka. En 2020, alors qu’il séjourne à Kinkala, dans le département du Pool, il est surpris par la pandémie de covid-19 qui le contraint à y rester un peu plus longtemps. De ce séjour, il collabore avec la direction départementale des Arts et des Lettres dans la sensibilisation. Au cours de cette même année, Cid Lyther participe à un atelier de formation en photographie d’auteur animé par le Congolais Baudoin Mouanda et organisé par l’Institut français du Congo (IFC) dans le cadre des 140 ans de la ville de Brazzaville.

Une expérience inouïe qui marquera le début de belles aventures car, en mars 2021, l’artiste remporte les prix de Meilleur scénario et Meilleur photographe lors du concours « Meilleur roman photo » organisé par la plateforme Mbongui Art Photo et l’IFC. « Grâce à ce concours, j’ai passé dix jours de terrain dans le sud du Congo aux côtés d’un groupe autochtone (Babongo) afin de réaliser mon roman-photo sur le rapport autochtones-bantous. L’œuvre avait été exposée en off lors de la première édition du festival Kokutan’Art, ensuite publiée au courrier international en France », nous confie le photographe congolais.

Il faut donc croire que cette expérience dans la forêt avait profondément bouleversé le jeune Cid Lyther qui, dans son travail de recherche, se sentait quelques fois étranger à sa propre culture et ses origines. Ainsi, c’est donc en touriste invétéré et habité par la magnificence du paysage et l’humeur joyeuse des habitants de la campagne qu’il avait opté de revenir à Kokutan’Art. Cette fois-ci en dévoilant au public des images qui parlent d’elles-mêmes à travers « La danse de la sagesse » ou le « Ndzobi » avec ces deux aspects : le côté dansant qui symbolise les festivités et le côté initiatique ou mystique.

Cette série photographique est un questionnement sur la place de la tradition dans le monde moderne où s'invitent la technologie, les croyances mystiques et la complexité des rapports entre humains : vieux-jeunes, bantous-autochtones, hommes-femmes. Pour réaliser ce travail, l’artiste a dû aller à la rencontre des sages des différents groupes qui composent le district de Zanaga, dans le département de la Lékoumou, à savoir les téké, bakota et babongo, en République du Congo, en vue de les interroger sur le pourquoi « la jeunesse a-t-elle peur de notre culture, la diabolisant souvent au profit des croyances étrangères ? ».

Selon lui, aujourd’hui, en allant dans certains villages, on a l’impression d'un désert parce que la plupart des jeunes rêvent davantage d'aller en ville. « Je pense que la vie en campagne a encore beaucoup à nous enseigner sur notre patrimoine, notre histoire, la médecine naturelle, etc. Même dans de nombreuses cultures occidentales modernes, on ne doit pas ignorer qu’il y a des aspects mystiques qui font partie intégrante. Donc, si je peux accepter ce qui vient d’ailleurs, pourquoi refuser ce qui est de chez moi ? Aujourd’hui, je pense juste qu’il y a une mauvaise presse à l’endroit de nos richesses, valeurs et spiritualités. Et en tant qu’artiste, cela me paraît utile de lever le voile pour conscientiser plus d’un jeune. Il ne s’agit pas de repartir dans des pratiques obsolètes ou de suivre aveuglément certaines pratiques obscures, mais plutôt de s’y intéresser et de s’en servir à bon escient », précise Cid Lyther.

Notons qu’en 2021, il était désigné Prix découverte lors de la neuvième édition de la Rencontre internationale d’art contemporain organisée par les ateliers Sahm. En mai dernier, l’artiste a participé à un stage en réalisation de film documentaire dans le cadre du projet Impala organisé par les ateliers Varan et l’Association des réalisateurs documentaristes camerounais, à Yaoundé.

Merveille Jessica Atipo

Légendes et crédits photo : 

Cid Lyther posant devant sa série photographique « La danse de la sagesse » lors de Kokutan’Art 2/Adiac

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