La littérature angolaise prend ses quartiers à l’université de Rome

Vendredi 28 Mars 2014 - 18:22

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Présenter l’Angola dans sa quête d’indépendance et dans ses conquêtes d’aujourd’hui, tel a été l’objet de la Journée d’étude de Roma3

Si, en règle générale, les écrits des aires linguistiques d’Afrique se trouvent assez difficilement sur les étals des librairies italiennes, les œuvres africaines en langue portugaise sont encore plus rares. Cet oubli commence à être réparé, grâce à des pionniers comme le jeune professeur Giorgio de Marchis de l’Université Roma3. Il a proposé une Journée de la littérature angolaise de langue portugaise, qui a suscité un engouement presqu’immédiat. Mais pour ajouter du suc à la démarche, le Pr de Marchis ne s’est pas contenté de lire ou faire lire les œuvres d'une plume angolaise en voie de confirmation.

De Luanda, la capitale angolaise, est venue une délégation de l’Union des écrivains, avec Luis do Carmo Neto à sa tête. La journée d’étude de la littérature angolaise a englobé la signature d’un accord de partenariat entre l’université italienne, l’Union des écrivains angolais et la Fondation Agostino-Neto de Luanda. L’Italie n’est pourtant pas totalement ignare de la réalité littéraire angolaise. C’est le premier pays européen à avoir traduit et édité les écrits de combat d’Agostino Neto, le père de l’indépendance angolaise, en 1963.

Pour ce coup d’essai qui a été un coup de maître, la Journée d’étude de la littérature angolaise a consisté en la présentation d’un ouvrage représentatif de la tendance apaisée des écrits angolais d’aujourd’hui: Le bal des Seigneurs. Il s’agit d’une anthologie de contes et récits d’Angola, édités récemment en Italie par la maison La Nouvelle frontière. On y puise, ont souligné les commentateurs, une vision synthétique mais non artificielle d’une réalité culturelle vivante et tumultueuse telle qu’elle peut exister dans la conscience collective et s’exprimer dans des moments où les cachotteries ne sont pas de mise : la maladie, la mort…

Cette anthologie est l’œuvre de quatorze jeunes écrivains. Elle présente la très intéressante particularité de jeter un regard sur le vécu au quotidien d’un pays tourné vers l’avenir, une préoccupation devenue le centre de la littérature apaisée d’aujourd’hui. L’Angola, en effet, a connu plus de seize ans de guerre de libération nationale suivis de vingt-sept ans de guerre civile ravageuse. La littérature, entre 1959 et 2002, a d’abord été une littérature de combat, violente. D’ailleurs, le premier ouvrage angolais publié en Italie, un ensemble de poésies d’Agostino Neto, portait un titre traduisant à la fois la tourmente et l’espérance d’une nation en devenir : Avec des yeux secs (pour scruter la réalité et ne pas se contenter de pleurer ! ).

Avec la progressive mais décisive insertion de l’Angola dans la communauté des nations, par sa politique et son économie, la jeune génération sent aujourd’hui la nécessité de répondre à la curiosité des lecteurs de partout. Aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, il y a des gens qui n’attendent que l’occasion de combler leurs lacunes de connaissances sur un pays fascinant et à l’histoire multiséculaire, affirme Antonio Quino, de l’Institut supérieur des sciences de l’éducation à Luanda.

Il a été souligné à Rome combien les années de guerre ont nourri par la suite une littérature de combat. Ce furent d’abord des plumes militantes, comme Pier Paolo Pasolini, qui soutinrent cette quête des lettres en Italie. Reste emblématique dans ce sens l’ouvrage Résistances nègres, d’abord accueilli avec méfiance puis presque propulsé au rang de best-seller dès que les grandes maisons italiennes d’édition Bompiani et Feltrinelli s’en emparèrent et acceptèrent d’éditer des noms comme Pepetela et José Eduardo Agualusa, plumes acerbes de l’Angola de toujours.

Lucien Mpama