Lutte contre la criminalité financière : le Gabac opte pour une nouvelle approche

Samedi 29 Mars 2014 - 15:24

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Les assises organisées du 24 au 28 mars à Brazzaville par le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent (Gabac), est une mise en œuvre de différentes stratégies. Celles-ci visent à rendre plus efficace l’action des acteurs congolais dans la lutte contre la criminalité financière

La formation assurée pendant cinq jours, avec l’appui de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Onudc) et le Centre canadien de recherche et d’appui à la gouvernance des organisations publiques (Ccragop), a connu la participation des agents relevant du ministère de l’Économie, des Finances, de la Justice et de l’intérieur. Les organes de presse ont également été joints à ce groupe qui a réuni, finalement, plus de quatre-vingt participants. Dans l’optique d’apporter des améliorations à la stratégie sous régionale et nationale de lutte contre la criminalité économique, des discussions ont été engagées entre participants.

Il en ressort au niveau sous régional, la création d’un laboratoire scientifique, la création d’un registre des crédits ou Bureau de crédits, l’élaboration d’un manuel de procédures d’enquêtes (spécifique) l’introduction des modules de formation sur les enquêtes économiques dans les écoles de formation de la magistrature, de la police et de la gendarmerie. Sur le plan national, il se dégage la création des pôles spécialisés dans les juridictions, au sein de la police, de la gendarmerie et des organes de lutte contre les crimes économiques ; la mise en place d’un cadre de concertation entre les services de l’application de la loi et d’échanges des données informatiques ; l’ouvrage d’une équipe multidisciplinaire de lutte contre la criminalité économique et financière ; l’évaluation du niveau d’intégrité des nouveaux investisseurs étrangers. Autre recommandation, la création des organismes de sécurité corporative au sein des institutions bancaires permettant une meilleure collaboration avec les organismes de l’application de la loi.

Le rôle de la presse dans ce processus

Les organisateurs du séminaire sur les techniques appliquées d’enquêtes financières ont jugé opportun d’associer quelques journalistes congolais comme c'était le cas au Cameroun. Il s'agit pour ces derniers de mieux cerner le phénomène du blanchiment de capitaux défini comme "tout argent acquis de manière illicite et ensuite mis dans le circuit pour apparaître sous une forme légale." Ailleurs, 20 à 40% de revenus sont intégrés directement dans l’économie de cette manière-là.

Aux journalistes de saisir ce message. Le blanchiment d’argent est au cœur de l’infiltration mafieuse. Il se résume en trois étapes : le placement, la dispersion et l’intégration. En effet, celui qui blanchit l’argent doit devenir insoupçonnable en ouvrant des comptes bancaires ou en créant aussi des activités génératrices de revenus. Généralement les journalistes qui traitent les informations sur le blanchiment d'argent ne maîtrisent pas le contexte. « On associe le blanchiment d’argent au seul détournement de fonds et à la seule corruption. Il fallait que je donne les moyens aux journalistes, pour leur dire qu’il n y a pas que ces seuls faits qui aboutissent à un détournement de capitaux », a relevé le secrétaire général du Gabac, Desirée Geoffrey Mbock.

Outre les généralités, les journalistes ont le devoir de comprendre les procédures ayant abouti à des conclusions de condamnation ou de libération d’un suspect.  Ils  devraient avoir en tête le mécanisme du back office. En s’imprégnant des différents concepts qui ont été dispensés au cours du séminaire, le SP du Gabac a permis aux journalistes de jouer leur rôle d' interpeller et alerter la société. Les journalistes qui ont salué l’initiative ont souhaité qu'il soit permis à la presse congolaise d'accéder aux sources. « C’est-là tout le problème de la presse congolaise. Il faut se faire violence, généralement ce n’est pas facile dans notre cas où les portes des administrations sont fermées. Ce sont des séminaires qui viennent nous apporter des connaissances dans la démarche à adopter pour ce genre de sujet. Le chemin est long mais il ne faut pas baisser les bras », a souligné un journaliste. Un autre par contre a souhaité que l’on mette l’accent sur des techniques d’investigations. « Le vrai journalisme d’investigation obéit à des règles et nécessite une formation solide avec un réseau composé de personnes sûres », a-t-il déduit.

La police judiciaire  reconnaît ses failles

Le séminaire a été un gain pour les différentes administrations participantes. En l’occurrence, la police qui a reconnu des différences dans la manière de gérer les enquêtes financières.  Certes, la législation étant différente d’un pays à un autre. « On veut que les choses changent car la police est toujours indexée comparée aux autres administrations. Mais c’est aussi un problème de manque de formation », a dit un officier de police judiciaire chargé d’enquêtes financières.

S’agissant par exemple de la question de garde à vue, la police du Congo va vite en besogne, avant même d’avoir rassembler les preuves autour du sujet arrêté. Une méthode différente de celle du Canada où les enquêtes sont menées avant d’interpeller la personne. Un autre problème évoqué, celui relatif aux auditions. « On n’a pas aussi de protocole d’audition, c’est aussi un détail important sur lequel on devrait en discuter au sein de la police ».

Une autre préoccupation soulevée,  jusque-là, la police ne détient pas de base de données lui permettant de travailler en synergie. Les informations existent mais de manière éparse. Alors qu’en engageant une enquête de fraude financière, elle a besoin d’information sur la personne, sur ces mouvements financiers. Par conséquent, les présumés sont envoyés au niveau du parquet avec moins d’éléments informatifs sur eux. En ayant une base de données avec les  collègues d’autres administrations, cela permet d’être plus rapide dans la recherche des preuves et aussi dans le travail. « Le travail ne doit pas seulement être un travail de répression, nous pouvons aussi procéder par prévention. Lorsqu’un congolais veut démarrer une activité, on demande l’enquête de moralité, mais lorsqu’il s’agit d’un étranger, on devrait procéder de la même manière », a reconnu un participant. 

Inscrit dans le processus des missions assignées au Gabac, le séminaire organisé à Brazzaville n'est qu’un début. En effet, dans la perspective de sa continuité il est envisagé la tenue d’une même formation au Gabon. 

Nancy France Loutoumba et Durly Émilia Gankama

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : le dernier jour du séminaire, crédit photo Adiac