Salon du livre 2014 : les femmes racontent l'écriture au feminin

Samedi 22 Mars 2014 - 12:00

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Devant un public mixte, la thématique de l’écriture au féminin était abordée vendredi après-midi, par cinq auteures africaines, sans militantisme, mais avec engagement artistique.

Autour de la chroniqueuse littéraire Ralphanie Mwana Kongo (La boue de Saint-Pierre), les Congolaises Adèle Caby-Livannah (Case aux cent secrets) et Liss Kihindou (Chêne de bambou), la Comorienne Touhfat Mouhtare (Âmes suspendues) et la Gabonaise Nadia Origo (Le bal des débutants) ont évoqué la place de la femme dans le monde de l’écriture et des lettres.

Si le constat est que la « scène littéraire francophone est majoritairement dominée par les hommes », a introduit Ralphanie Mwana Kongo, peut-on dissocier l’écriture féminine de l’écriture masculine ? Pour Liss Kihindou, « il est souvent difficile de deviner qui est derrière une plume si l’on ne regarde pas le nom de l’auteur ». Ce que confirme Nadia Origo : « Écrire, c’est écrire. Un homme peut avoir un style feutré, quand une femme sera davantage engagée dans ses mots. Un artiste est un individu engagé avant d’être une femme ou un homme ».

Au moment de s’interroger sur les raisons de ce déséquilibre quantitatif hommes-femmes, Liss Kihindou avance une hypothèse : « Au Congo, nous avons plusieurs grandes voix puissantes comme Sony Labou Tansi, Tchicaya U Tam’si, Dongala ou Lopes, ce qui peut amener à être impressionnée au moment de prendre sa plume. Mais j’ai entendu, un jour, Henri Djombo dire, en tant que président de l’Union nationale des auteurs et artisans congolais : « si vous regardez trop ce que les autres ont fait avant, vous n’écrirez jamais ». Je l’ai écouté, j’ai osé et je conseille aux autres femmes d’oser dire ce qu’elles ont à dire ».

Touhfat Mouhtare, l’une des rares romancières comoriennes, « nous sommes moins de dix femmes à avoir écrit un roman, mais beaucoup de femmes comoriennes ont rédigé des thèses ou des essais », livre un témoignage qui tend à penser que le poids culturel joue un rôle dans ce constat. « Habituellement, les émotions personnelles ne sortent pas souvent de la sphère privée, donc les femmes hésitent à se livrer et préfèrent axer leurs écritures sur des sujets scientifiques ».

Mais en fin de compte, c’est probablement le facteur temps qui explique ce fossé : « Avant 1960, les femmes étaient moins lettrées, car elles allaient moins à l’école. Cela change bien évidemment avec le temps, et encore plus ces dernières années. Même en Europe, rappelez-vous qu’à une certaine époque, les femmes qui aimaient la littérature étaient considérées comme des courtisanes », précise Nadia Origo, qui est également éditrice depuis 2008.

Finalement, davantage que le militantisme féministe parfois prôné, c’est en restant fidèles à elles-mêmes, en tant que femmes et qu’artistes, qu’elles donnent la meilleure tribune possible à leur plume. Le mot de la fin reviendra à Adèle Caby-Livannah : « Messieurs, lisez-nous, vous ne serez pas déçus ».

Camille Delourme

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: La Congolaise Ralphanie Mwana Kongo a animé une table ronde portant sur la thématique de l'écriture au féminin (crédits photo adiac) Photo 2: Liss Kihindou conseille aux femmes d'oser prendre la plume pour exprimer ce qu'elles ont à dire (crédits photo adiac)