Voir ou revoir : « Ordalies »

Jeudi 5 Juin 2025 - 20:04

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Dans « Ordalies », documentaire singulier signé Hadrien La Vapeur et Corto Vaclav, le spectateur est plongé au cœur de Brazzaville, capitale du Congo, là où une justice coutumière s’exerce dans l’ombre des lois officielles. Pendant 1h12 min, les réalisateurs capturent avec acuité les débats d’un tribunal peu ordinaire, où l’accusé n’est pas toujours celui que l’on voit… mais parfois celui que l’on soupçonne d’être animé par des forces invisibles.

 

Loin des prétoires occidentaux, les audiences du tribunal peu ordinaire révèlent une société où la parole des esprits pèse lourd, où les différends familiaux prennent racine dans des accusations de sorcellerie, d’envoûtement ou de malédiction. Ici, on ne juge pas seulement les actes, mais les intentions cachées, les énergies néfastes, les rêves et les visions. Des juges, hommes d’expérience, figures respectées de la communauté, s’efforcent de trancher dans ces affaires sensibles avec autorité et parfois avec poésie.

Le film, d’une grande sobriété formelle, laisse parler les protagonistes sans voix off ni commentaire. Caméra à l’épaule, les cinéastes s’effacent, donnant toute la place aux mots, aux silences, aux regards, et à la mise en scène du rituel judiciaire. Les récits s’enchaînent : un frère accusé d’avoir ensorcelé sa sœur, une sirène qu’on dit disparue, une vengeance lancée par-delà le monde visible. Peu à peu, c’est une autre rationalité qui s’impose au spectateur, une vision du monde où le réel ne peut être compris sans l’invisible.

Au-delà de l’étrangeté apparente de ces affaires, Ordalies questionne notre propre conception de la justice et de la vérité. Peut-on rire ou juger ce que l’on ne comprend pas ? Les réalisateurs ne tranchent pas. Ils observent, recueillent, montrent, sans exotisme ni moquerie. C’est là la force de ce film : faire sentir au spectateur la cohérence interne d’un système qu’il ne partage peut-être pas, mais qui gouverne bel et bien les vies de ceux qu’il filme.

Œuvre captivante, troublante et nécessaire, Ordalies nous invite à voir autrement et à revoir peut-être nos propres certitudes sur ce qui est juste, vrai… ou simplement réel. Sorti en 2021, le film a été projeté le 30 mai dernier dans le cadre des programmations itinérantes du Wisu festival à Kinkala, chef-lieu du département du Pool.

Merveille Jessica Atipo

Légendes et crédits photo : 

L’affiche du film/DR

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