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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : David Nianga du PCT

Vendredi 9 Novembre 2018 - 10:28

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David Nianga, membre du comité central du Parti congolais du travail (PCT) depuis 2011, a tiré sa révérence. Il est décédé le vendredi 2 novembre à 17 h,  à Brazzaville. Il était né vers 1946 à Okassa (Abala). Il est le fils de Sikangui et de Ngala.  Il était marié et père de treize enfants.  Après Babossebo, c’est une figure marquante du PCT à Poto-Poto qui quitte l’arène politique. On l’appelait Nianga du PCT.

En 1953, David Nianga débute sa scolarité à l’école primaire de Gania,  dans le district d’Abala. Il se rend ensuite à Etoro, dans le même cycle puis à Boundji, au collège d’enseignement général. En 1967, il entre à l’école des Postes et télécommunications de Shanghai, en Chine, où il obtient le Certificat d’études techniques. Enfin, au début des années 1990, il est admis à l’Ecole nationale de PTT à Brazzaville. Il en sort avec le diplôme de contrôleur des Télécommunications. Il est inspecteur retraité des installations électromécaniques de 8e échelon.

David Nianga a occupé de nombreuses fonctions au ministère des Affaires étrangères qu’il intègre en 1968. Dès 1969, il est attaché de presse au Caire, en Egypte, jusqu’en 1972. De 1976 à 1980, il est attaché d’ambassade à Pékin en Chine. De 1983 à 1985, il exerce les mêmes fonctions à Moscou, en URSS. Entre deux postes diplomatiques, il retrouve son ministère d’origine à différents postes de responsabilité. Il est chef de la division équipements et téléinformatique au moment où il prend sa retraite en 2004.

Personnalité débonnaire de Poto-Poto, David Nianga était connu pour sa fidélité sans faille au PCT. Son activisme était apprécié par les sympathisants de son parti et écœurait les partisans des partis adverses. Avec son flegme habituel, il faisait front contre les assauts de ses adversaires politiques, sans jamais perdre son sourire facétieux. D’une dignité incomparable, sans morgue, il avait su vivre sa foi politique sans remettre en cause les relations de voisinage. C’est le fameux « vivre ensemble » en acte. La démocratie l’a complètement détruit. Dès les premières élections de la nouvelle ère démocratique,  les familles se sont disloquées. Lors des consultations électorales, parfois avant et après, on a frôlé des drames. Ces déchirements, même Poto-Poto, archétype du vivre ensemble, en a fait les frais. Comment s’en étonner ? Ceux qui doivent montrer l’exemple, les hommes politiques,  se regardent en chiens de faïence, peinent à le faire, se retranchant derrières des futilités pour « balkaniser » les relations sociales. Il y a un vrai problème d’éducation civique à tous les niveaux.

David Nianga symbolise une époque révolue du militantisme où la conviction était l’élément essentiel de l’adhésion politique. Un homme au service d’une vision du monde qu’il défendait corps et âme, dût-il en pâtir. Le PCT vient ainsi de perdre l’un de ses  derniers mohicans à Poto-Poto, et peut être au-delà. Contre vents et marées, il a su maintenir allumée la flamme de son adhésion aux idéaux de son parti. Il a résisté aux ressacs de la désertion lors des périodes de transhumance politique. Quand d’autres viraient de bord sans état d’âme, il  est resté à bord du navire PCT.  Il est l’antithèse du  fameux dévergondage politique, caractéristique de la vie politique nationale depuis la naissance de la République. Yambot est entré dans l’histoire nationale sous le sceau de cette fourberie qui structure désormais  la vie politique chez nous. Cet épisode illustre l’effondrement originel des convictions.

David Nianga, c’est une leçon de vie faite d’humilité, de fidélité et d’abnégation. La réalité aujourd’hui se trouve être, inversement hélas !     Les qualités d’humilité, de fidélité et d’abnégation  nous renvoient le visage hideux de la prétention, de la déloyauté et de la vénalité ambiante. Le Congo pourrit par l’argent. Le rappeler ici est un crime contre ceux qui se sentent visés par ce constat. Même le constat devient suspect. Le bon sens, décidemment, n’est pas la chose la mieux partagée au Congo, comme le répète à l’envi, Grégoire Lefouoba, égratignant au passage Descartes. Dans certains milieux politiques parasites de l’Etat, évoquer la médiocrité de nombre d’entre eux qui ont conduit le pays dans un cul-de-sac équivaut à les marquer au fer rouge de l’échec. Un crime. Un brin narcissique, ils n’ont guère conscience des méfaits causés au Congo par leur impéritie.

Passé le romantisme de l’époque révolutionnaire, le militantisme s’est émoussé. Les certitudes se sont nivelées de même que  les conceptions morales se sont ébranlées. Ce qu’il y avait de bien à une certaine époque,  c’est que, même mal assimilée, la pantomime idéologique avait institué certaines valeurs. Le Congo souffre aujourd’hui du tiédissement moral et psychologique qui ont  conduit à une vénération de ce qu’on appelle, faute de mieux, antivaleurs.

La peinture des rites politiques congolais, dans certaines livraisons de Brin d’histoire, irrite. Cette peinture sardonique  ne découle que des constatations sociales. Je n’affabule pas. La politique est partout présente chez nous. Elle  permet des promotions « fulgurantes ».  C’est un constat.  Le « carriérisme véreux » a laissé des traces indélébiles dans le pays. C’est aussi un constat. L’hypocrisie qui consiste à ne pas nommer  une chose est dangereuse. Tout est dans la posture au Congo, ce qui est encore plus dangereux.  Sans un vrai travail sur l’homme congolais, le développement sera laborieux et exténuant  ici. Ce n’est pas de la fiction.

 Adieu David Nianga ! Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

Mfumu

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