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Le dernier soviétique?

Samedi 3 Septembre 2022 - 17:42

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Il était entré dans l’histoire, à la fin des années 80, comme le père de la Perestroïka et de la glasnost, deux concepts porteurs d’espoir et d’amertume selon l’angle à partir duquel on était donné à les considérer. Pour les rivaux de l’Ouest, dont c’était à peu près le rêve-voir l’empire soviétique s’écrouler avec lui toutes les certitudes l’ayant entouré sept décennies durant - enfin la partie était gagnée. Pour les nostalgiques d’un certain internationalisme prolétarien, et ils pouvaient être nombreux dans le pays même et à travers le monde, la rancœur avait pris corps, tenace.   

Décédé le 30 août, à l’âge de 91 ans, Mikhaïl Gorbatchev était aussi le dernier dirigeant de l’ex-Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), mais peut-être pas le dernier soviétique. Il avait gravi les échelons du parti communiste un par un, de la petite cellule locale au sommet de la hiérarchie étatique selon les rites immuables de la doctrine en place. Puis il a enfreint en quelque sorte les normes établies abattant l’une après l’autre le restant de poutres grâce auxquelles, en dépit du contexte général devenu délétère, quelques gardiens du temple espéraient sauver l’essentiel. On se souvient de la tentative du putsch du vice-président Guennadi Ianaïev en 1991.

La perestroïka et la glasnost, notions russes de « réforme » et « transparence » avaient abouti, cela vaut le coup de le rappeler, à la dislocation de l’Union soviétique. Tous les pays d’Europe de l’est qui lui étaient liés politiquement, économiquement et stratégiquement prirent leur distance, puis leurs indépendances dans l’euphorie accompagnant toutes les grandes débâcles. On avait assisté aux mêmes manifestations à la fin de l’ère coloniale, à la suite des défaites subies par les grandes puissances quand elles n’étaient pas parvenues à atteindre leurs objectifs dans les conflits contre de petits Etats tiers.

La fin de la guerre froide entre l’Est et l’Ouest était arrivée à son heure, pourrait-on dire. Mais la victoire du capitalisme sur le communisme ne s’étant pas produite à la suite d’un conflit armé, l’histoire retient plutôt les « bienfaits » du vent venu de l’est. C’est bien, en effet, grâce à la fin de l’Union soviétique que l’on a assisté à la chute du mur de Berlin, en 1989, plus tard à la réunification de l’Allemagne, et en même temps à l’engagement de nombreux pays africains sur la voie de la démocratie pluraliste. A quelque chose malheur est bon, dit-on !

Après, il faut savoir garder les pieds sur terre. Il est clair que Gorbatchev avait hérité d’un système politique miné de l’intérieur par sa lourdeur, et de l’extérieur par l’activisme du camp adverse, celui de l’économie du marché. Parallèlement, le démantèlement à grand fracas des régimes satellites a laissé un goût d’inachevé, en particulier quand il s’est agi de trouver un terrain d’entente entre le camp occidental vainqueur, chapeauté par les Etats-Unis, première puissance mondiale, et la Russie, dépositaire de l’actif et du passif de l’ex-URSS, partant d’un siège permanent au conseil de sécurité de l’Onu.

Toute proportion gardée, ce goût d’inachevé est peut-être l’une des causes lointaines du conflit actuel en Ukraine. On peut néanmoins croire qu’en leur temps, Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan auraient mis en avant la diplomatie dans ce qu’elle offre contre la rhétorique guerrière. C’était l’époque où conscients des risques qu’ils feraient courir à la communauté des nations en cas de conflit ouvert entre eux, les dirigeants des pays nantis d’arsenaux destructeurs privilégiaient la concertation. Mais aujourd’hui, malheureusement, la diplomatie a échoué.

Gankama N'Siah

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