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Afrique de l'Ouest: place à la diplomatie?

Samedi 2 Mars 2024 - 21:48

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La tourmente s’est saisie de la prometteuse région d’Afrique de l’Ouest citée il y a peu comme un exemple à suivre par les autres démembrements du continent en matière d’intégration et même de démocratisation. Depuis la vague du pluralisme politique des années 1990, à quelques exceptions emblématiques près (le cas notamment de la Côte d’Ivoire où des violences intolérables ont émaillé les processus électoraux), les alternances au sommet de plusieurs Etats de cette partie de l’Afrique étaient régulières.

Mais cette période exceptionnelle, au cours de laquelle les pays comme le Bénin, le Ghana, le Sénégal et bien d’autres ont marqué les esprits, a pris un sérieux coup avec l’irruption des militaires sur la scène politique au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger. Globalement, l’Afrique de l’Ouest ou les autres sous-régions ne remettent pas en cause les élections comme moyen légitime d’accéder au pouvoir. Dans le cas des pays sous régime d’exception aujourd’hui, le principe du retour à l’ordre constitutionnel est inscrit dans les chartes de transition.

Ceci dit, les putschs enregistrés ces dernières années en Afrique de l’Ouest sont révélateurs du malaise auquel les institutions représentatives ou constituées sont confrontées. Sans généraliser le phénomène, les cas du Mali, du Burkina Faso et du Niger méritent que l’on s’y penche du fait du contexte particulier de leur environnement. Depuis plusieurs années, ils font face à l’activisme des groupes terroristes qui s’en prennent aux forces de défense et de sécurité, mais à la population civile. Les organisations communautaires regroupant les Etats de la sous-région sont restées inertes, laissant chacun seul gérer ses malheurs.

Dans la mesure où les sous-ensembles régionaux institués sont des instruments d’intégration, ne gagneraient-ils pas davantage en efficacité si les questions sécuritaires faisaient aussi l’objet d’une attention particulière comme le sont celles liées à l’économie, aux finances, au commerce et à la circulation des biens et des personnes ? Il semble, en effet, que ces derniers volets soient souvent les mieux abordés lors des rencontres de chefs d’Etat, le péril de la déstabilisation qui guette certains Etats membres ne faisant pas l’objet d’une quelconque indication.

Toute proportion gardée, l’un des griefs portés à la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) par Bamako, Ouagadougou et Niamey est que celle-ci n’a jamais eu un mot pour eux au long de ces années « noires » où ils étaient seuls devant leur destin. Et au lieu de faire preuve de « compréhension » à leur égard quand sont survenus des changements motivés par l’immobilisme sur le terrain de la lutte contre le terrorisme, leurs voisins ont pris de lourdes sanctions pour les blâmer. Les positions se raidissant de part et d’autre, la maison Cédéao a commencé à se fissurer à partir de la naissance de l’Alliance des Etats du Sahel (AES).

Le 24 février, les chefs d’Etat réunis à Abuja, au Nigeria, ont décidé de lever les sanctions prises à l’encontre du Niger et se sont engagés à alléger celles qui frappent le Mali et la Guinée. Le moment est venu, disent-ils, de « revoir notre approche quant au retour de l’ordre chez quatre de nos pays membres ». Ainsi, s’est exprimé le président en exercice de la Cédéao, Bola Tinubu. Naguère partisan de la manière forte comme certains de ses pairs pour déloger les militaires arrivés au pouvoir à Niamey, le président nigérian a depuis mis de l’eau dans son vin faisant preuve de realpolitik.

Pour l’Afrique de l’Ouest, à terme, la realpolitik du moment consistera à intégrer la définition des règles de défense commune quand l’un de ses membres, avec des institutions légitimes reconnues, a besoin de soutien en cas d’agression de grande ampleur par des mouvements dont le seul agenda politique est de semer la mort parmi la population civile. L’équation peut paraître difficile devant le verbe un peu haut des dirigeants de l’AES, mais se parler a souvent été une opportunité de concessions réciproques. Dans cette perspective, les jours à venir seront peut-être hautement diplomatiques en Afrique l’Ouest.

Gankama N'Siah

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