Cuvette-Ouest : au nom du désenclavement !

Il ya près de deux décennies que la Cuvette-Ouest, un peu frondeuse, demanda et obtint le statut de département à part entière. À l’époque, la bataille pour l’autonomie est menée, entre autres, ou principalement, à travers l’Association Cuvette-Ouest solidarité. En apparence, les ressortissants de cette région du Congo frontalière du Gabon voisin par sa partie occidentale disaient nourrir quelques frustrations, peut-être même beaucoup, à l’égard des autres coins du Congo, et bien évidemment aussi de l’autre morceau de la « grande » Cuvette dont ils se sont physiquement séparés en 1995. Il faut avouer que la Cuvette-Ouest était alors totalement enclavée.

D’une chose l’autre. Avait-on, sur ce point précis des routes, dans ces années presque de précarité tant sur le plan de l’ambition que des moyens, de quoi garder la dent dure contre les pouvoirs publics en pointant du doigt un quelconque bonheur partagé par les populations des autres régions du Congo ? Pourquoi pas, rétorquait-on à Ewo, Mbama, Okoyo, Kellé, Étoumbi et Mbomo, les six principales zones de concentration des populations de la Cuvette-Ouest. Après tout, la naguère coquette cité d’Étoumbi qui abritait une importante usine d’huile de palme méritait bien d’être sortie de l’ornière par la construction d’une route viable. Mais si l’on voit la réalité en face, le retard pris par la Cuvette-Ouest sur le chemin de son désenclavement était une chose partagée par l’ensemble des départements du Congo.

Jusqu’à une récente date, en termes de routes bitumées, pour ce qui concerne la partie nord du Congo où est incrustée la Cuvette-Ouest, par exemple, il n’y avait pas grand-chose : la RN2, longue de près de 900 kilomètres, de Brazzaville à Ouesso (Sangha), n’était recouverte qu’entre Brazzaville et Obouya (Cuvette), soit un peu moins de 500 kilomètres. Il faut y associer la bretelle Ngo-Djambala, 123 kilomètres, et aussi le tronçon Dongou-Impfondo-Epéna, dans la Likouala, 134 kilomètres, construits pendant le plan quinquennal 1982-1986. On pouvait d’un certain point de vue comprendre la joie des populations des localités traversées par ces voies et parallèlement aussi la frustration décrite plus haut.

N'oublions pas que le Congo a aussi perdu un temps précieux à chercher une stabilité susceptible de faire que les grands projets d’intérêt national soient menés à leur terme. Le passage à vide a duré une éternité. Sur cette considération, la Cuvette-Ouest n’était pas l’unique département concerné. En même temps, si l’on regarde le tableau des infrastructures routières déjà construites ou en voie de l’être dans le pays, il est possible de répéter une phrase que son auteur eut de la peine à concrétiser pour diverses raisons : « chacun aura sa part. » Et c’est bien parce qu’ils ont reçu la leur, heureusement, que les habitants de la Cuvette-Ouest innovent dans les cérémonies d’inauguration d’ouvrages publics par le chef de l’État. Ils viennent en effet d’instituer un comité d’accueil pour, en quelque sorte, rendre à César ce qui à César, à Dieu ce qui lui revient.

« La route Makoua-Étoumbi est terminée, bientôt le président de la République procédera à son inauguration. De ce fait, nous, société civile, avons pris les devants pour lui réserver un accueil chaleureux dans notre contrée et lui témoigner notre gratitude » : ainsi s’exprimait il y a peu l’un des responsables de ce comité d’accueil dans nos colonnes. Sans doute la Cuvette-Ouest, notamment les populations de sa zone désenclavée par cette nouvelle route qui s’ajoute à bien d’autres, donnera à voir, à entendre et à consommer à l’occasion de cette cérémonie d’inauguration qui promet d’être grandiose. Il faut avouer qu’en l’espace de trois ans seulement, la politique gouvernementale de désenclavement a produit pour ce département que l’on disait négligé quelques miracles qui sautent aux yeux.