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Pourquoi les alternances attendront?

Samedi 28 Septembre 2024 - 18:05

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Une personne proche- je voudrais ne pas en dire plus sur son identité- avec qui je partage la même passion du métier de journaliste que nous exerçons depuis plusieurs décennies me conseille de rester optimiste sur la marche de la société humaine en dépit des épreuves parfois déroutantes qui l’affectent. Elle n’a pas tort car optimiste, je le suis mais cet état d’esprit ne m’empêche pas de réfléchir aux complexités de notre temps.

En observant par exemple la démocratie pluraliste, aux cycles électoraux censés en garantir la bonne marche, il semble qu’une crise profonde vide peu à peu ces processus du principe d’alternance sur lequel elle a dû bâtir sa réputation. Que l’on ne se méprenne pas, cette situation ne concerne pas seulement les pays africains, est-européens, asiatiques ou latino-américains convertis au multipartisme les trente dernières années parfois même bien avant.

C’est vrai, dans ces régions, les coups d’Etat militaires, les révisions constitutionnelles n’ont pas disparu tandis que les périodes électorales sont vécues avec appréhension au regard des violences qu’elles génèrent. Pour autant il faudrait faire preuve d’une grande naïveté pour de ne pas reconnaître que dans les « vieilles » démocraties aussi, de plus en plus, le doute habite les électeurs quant au fait de continuer à se fier au cadre ritualisé des votations au terme desquelles ils offrent leurs suffrages à des représentants souvent incapables de leur restituer la contrepartie attendue.

Au-delà du fait que dans les deux cas le retour d’ascenseur vers le souverain primaire ne s’opère pas toujours comme attendu, à l’heure des alternances les tenants des gouvernements élus au suffrage universel deviennent aussi frileux que les dirigeants des régimes installés grâce aux putschs. Si l’on devrait feindre de ne pas s’étonner que les derniers fassent de la réticence au changement leur travers favori, qui a bu boira…, on peut être surpris que les premiers multiplient de savantes astuces à peine dissimulées pour à leur tour s’en accommoder.

Pourquoi passer la main devient difficile partout dans le monde ? Ici, alors qu’une transition est promise pour durer deux mois, ses meneurs confrontés à la réalité du terrain politique et social la rééchelonnent interminablement ; là, un dernier mandat « normal » touchant à sa fin donne à son détenteur des idées pour le rallonger à partir d’un appel d’air constitutionnel de dernière minute ; plus loin, une majorité sortie fractionnée de la compétition électorale, une coalition gouvernementale régulièrement déchue tentent le tout pour le tout jusqu’à se trouver des alliés de circonstance pour continuer à tenir le gouvernail… ainsi de suite.

 Il n’est pas défendu de mettre les dysfonctionnements actuels de nos systèmes électoraux et de gouvernance publique sur le compte de la rupture d’équilibre amplifiée à l’échelle des Etats par le quasi retour à la guerre froide. A partir de quoi les nations semblent désormais sacrifier les valeurs communes que la diplomatie du dialogue, du respect mutuel, de la préservation des intérêts de chacun, de l’observance des lignes « rouges », voire de la promotion des alternances politiques avait toujours garanties malgré les dissensions.

Le consensus autour de ces valeurs s’éloignant chaque jour un peu plus, et bien que le monde soit devenu un village planétaire où l’on se scrute attentivement, le repli sur soi occupe paradoxalement trop de place dans cet espace commun. A ce titre, la méfiance grandissante entre les Etats et les ensembles régionaux éloigne inexorablement la perspective pour leurs dirigeants de défendre d’une seule voix la Charte de la plus haute « maison diplomatique » mondiale bâtie en 1945, l’Organisation des Nations unies, pour ne pas la nommer.

Résultat des courses : quand bien même le régime démocratique adopté par tous poursuit son petit bonhomme de chemin, dans un monde où de « bons exemples » démocratiques commencent à se faire rares, les « leçons » assenées naguère aux uns et aux autres auront désormais du mal à produire leurs effets. Sans surprise, on pourrait assister davantage aux chaos électoraux chez les apprentis démocrates décriés et chez les vétérans naguère vantés. Et dans l’indifférence générale, puisqu’elles battent de l’aile, les alternances attendront. Ceci n’est pas de la dramatisation.

Gankama N'Siah

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