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Angèle Bandou ou le rêve contrarié par la réalité

Vendredi 7 Février 2014 - 2:15

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En 1992, Angèle Bandou est la seule femme candidate à la présidence de la République. Elle récidive en 2002. La question du genre au Congo, avant sa vogue actuelle, avait trouvé son égérie.

« Il n’est pas interdit de rêver », dit une sentence très usitée. « Si tu sais rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître… », écrivait Rudyard Kipling. Entre les deux, il y a la réalité prosaïque qui exige d’avoir les pieds sur terre, même si le rêve est la chose la mieux partagée au monde. Dans l’histoire récente de notre pays, le rêve a conduit de nombreux citoyens à croire en un destin politique national. Ils se sont mis à créer des partis politiques à la faveur du multipartisme. Bon nombre se sont perdus en route, d’autres vivotent désespérément, en appendices, dans des plateformes bigarrées entretenant l’illusion d’exister, pour prendre date. Cette profusion de partis à existence administrative et confidentielle est le mal qui empoisonne la vie politique, qui a du mal à se structurer en deux ou trois partis d’assise nationale.

Dans un monde machiste, il faut avouer qu’Angèle Bandou a fait preuve d’un culot monstre en se présentant à l’élection présidentielle de 1992. Son rêve de bonheur collectif s’est brisé contre les récifs de la politique. Elle avait, se fondant sur une forme de mysticisme religieux, créé le Rassemblement pour la défense des pauvres et des sans-emplois, premier parti politique créé par une femme. Elle résumait, à travers le nom de son parti, l’idéal qu’elle voulait réaliser au service des autres. Une touchante compassion. Mais la commisération ne peut être le socle d’une politique. Il en faut plus, indiscutablement. Elle fonde, après le scrutin de 1992, le Parti africain des pauvres. Elle élargit à l’Afrique les perspectives politiques de sa démarche. Tout à son honneur.

Par ses différentes candidatures à la magistrature suprême au Congo, Angèle Bandou a montré que la foi ne suffisait pas pour déplacer les montagnes. Elle a rêvé d’un Congo sans athéisme, sans tribalisme, sans insécurité, sans morbidité, sans mortalité et sans pauvreté. De bons sentiments pour l’émergence d’un monde idéal, mais sans réel projet politique. La croix blanche, symbole de son parti, qu’elle arborait, et sa robe de la même couleur faisaient de cette autodidacte, et couturière de son état, un personnage iconoclaste de la politique au Congo. Elle considérait sa mission comme un sacerdoce et non un moyen d’enrichissement rapide et sans cause.

Angèle Bandou est morte assassinée le 26 août 2004. Des hommes armés ont fait irruption à son domicile après avoir fait consommer à ses chiens des aliments pour les endormir. Les assaillants ont ensuite tiré des coups de feu. Alertés par ces tirs, Angèle Bandou et son époux ont tenté de sortir de leur chambre. Elle a été tuée sur place. Son mari en a réchappé. C’est la fin tragique d’une dame qui apportait sa candeur, son ingénuité dans un monde politique souvent futile, brutal et violent.

Angèle Bandou s’est éteinte. Elle voulait incarner la voix des pauvres et des sans-voix, mue par une espérance messianique et mystique. Si peut que soit cette empathie est l’indication d’une vie pieuse persistante. Sa foi avait quelque chose d’implacable. C’est « la religion et ses extases » qui commandaient son action politique. Elle était remplie d’une religiosité si intense qu’elle en devenait sympathique. Depuis qu’Angèle Bandou s’est éclipsée, vers l’au-delà sans doute, l’audace féminine a baissé pavillon. La question du genre a perdu une brave combattante.

Puisse son exemple inspirer d’autres femmes dans l’affirmation de leur place dans la vie de la cité. Sans une volonté opiniâtre et un combat de tous les jours, le machisme a encore des beaux jours.

Mfumu

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